Derrière la colère se cache en réalité un amour très fort
Un papa en colère profonde face à un fils qui ne sait pas comment réagir (illustration Grok)
J'ai été confronté à une situation violente ces derniers jours sur les réseaux (lire en fin d'article). Cela m'a fait réfléchir et m'interroger sur la colère, les mots durs que l'on peut dire à des proches, ce qui se cache derrière.
La colère, qu'est-ce ? (Grok)
Pour commencer, peut-être faudrait-il définir ce qu'est la colère.
Michèle Larivey, psychologue québécoise spécialiste des émotions, définit la colère comme une émotion simple qui traduit l'insatisfaction. Elle est vécue à l'égard de ce qu'on identifie, à tort ou à raison, comme étant « responsable » de notre frustration. On éprouve donc de la colère envers « l'obstacle » à notre satisfaction. Cette émotion porte un double message : elle signale à la fois l'insatisfaction et ce que nous considérons comme faisant obstacle à notre bien-être. Contrairement à la tristesse, qui met en contact direct avec le manque, la colère cible la cause perçue de la frustration et mobilise l'organisme pour l'affronter, en fournissant l'énergie nécessaire pour vaincre cet obstacle.
Quand la colère devient haineuse (Grok)
La colère, en tant qu'émotion adaptative et temporaire, vise à mobiliser l'énergie pour surmonter un obstacle ou une frustration. Cependant, si elle n'est pas exprimée ou résolue, elle peut s'intensifier et se transformer en haine, un sentiment plus stable, destructeur et souvent dirigé contre une personne, un groupe ou soi-même. Cette évolution n'est pas inévitable, mais elle suit généralement un processus progressif, ancré dans la psychologie des émotions. Explorons cela en détail, en nous appuyant sur des perspectives psychologiques et philosophiques.
Le processus de transformation : une escalade émotionnelle
La transition de la colère à la haine repose sur l'accumulation d'émotions négatives non traitées, où la colère "vieillit" et se rigidifie. Voici les étapes typiques, inspirées de modèles psychologiques comme ceux décrits par des auteurs tels que Sénèque ou des psychologues contemporains :
- Frustration initiale et colère aiguë : Tout commence par une insatisfaction immédiate (un obstacle perçu, une déception). La colère surgit comme une réaction instinctive, fournissant de l'énergie pour agir (confronter, défendre). Si elle est brève et exprimée sainement, elle s'estompe.
- Répétition et rancœur : Si les frustrations se répètent (déceptions accumulées, attentes non comblées), la colère ne se résout pas. Elle se transforme en rancœur : un ressentiment persistant où l'on "tient rigueur" à l'autre d'avoir causé la douleur. C'est ici que l'émotion commence à s'intérioriser, souvent par refoulement (pour éviter le conflit ou par peur des conséquences).
- Rancune et fixation : La rancune s'installe lorsque la colère est dirigée de manière obsessionnelle contre un "coupable" spécifique. Elle devient un filtre déformant : chaque interaction avec la cible ravive le feu, renforçant une vision binaire (bien/mal, nous/eux). Le refoulement amplifie cela, car l'énergie non libérée "bouillonne" intérieurement et se cristallise en hostilité chronique.
- Haine : la passion destructrice : Lorsque la rancune s'accompagne d'un désir de vengeance ou de nuire (joie aux malheurs de l'autre, souhait de souffrance physique ou morale), elle bascule en haine. Contrairement à la colère, qui est situationnelle et potentiellement résolutive, la haine est "invétérée" : elle dure, elle généralise (cible une classe de personnes) et elle isole, en coupant tout lien empathique. Sénèque la décrit comme une "colère qui invite à la haine", pire que la méchanceté car elle passe à l'acte destructeur. Saint Thomas d'Aquin précise que la colère, en persistant, engendre la haine comme une passion distincte, non une simple prolongation.
| Étape | Caractéristiques | Facteurs déclencheurs | Conséquences |
|---|
| Colère | Émotion vive, mobilisatrice, temporaire. | Frustration immédiate (obstacle, injustice). | Énergie pour agir ; peut s'apaiser. |
| Rancœur/Rancune | Ressentiment persistant, intériorisé. | Répétitions, refoulement, déceptions accumulées. | Rigidité cognitive ; accumulation toxique. |
| Haine | Sentiment stable, destructeur, obsessionnel. | Désir de vengeance, généralisation à un groupe. | Isolement, actes nuisibles ; impact sur la santé (stress chronique). |
Facteurs aggravants : pourquoi cela arrive-t-il ?
- Refoulement émotionnel : Ignorer ou minimiser la colère (par éducation, peur du jugement) la fait fermenter en haine, comme un poison qui s'infiltre dans les relations futures.
- Blessures sous-jacentes : Souvent, cette escalade puise dans des traumas passés (rejet, abandon), où la colère actuelle réactive une douleur ancienne, amplifiant l'hostilité.
- Contexte social : Dans des environnements conflictuels (travail toxique, relations dysfonctionnelles), la colère se focalise sur une cible, favorisant la haine comme mécanisme de défense narcissique.
Comment prévenir ou inverser cette transformation ?
La bonne nouvelle : cette évolution n'est pas irréversible. Des stratégies comme l'expression assertive (parler sans accuser), la thérapie cognitivo-comportementale (pour déconstruire les ruminations) ou des pratiques de mindfulness aident à court-circuiter le processus. Par exemple, transformer la colère en "force de vie" via l'art ou l'engagement social peut la sublimer positivement. Si vous ressentez cela personnellement, consulter un psychologue est clé pour explorer les racines et restaurer l'équilibre émotionnel.
En résumé, la colère devient haine quand elle stagne, s'accumule et se venge – un passage du feu vif à la braise empoisonnée. Reconnaître les signes précoces permet de la canaliser vers la résolution plutôt que la destruction.
La haine vient d'un amour contrarié (Grok)
Selon de nombreuses perspectives psychologiques et psychanalytiques, la haine peut effectivement naître d'un amour contrarié ou frustré. Cette idée, profondément ancrée dans la théorie freudienne, repose sur le concept d'ambivalence des sentiments, où amour et haine coexistent et se transforment l'un dans l'autre, souvent en réponse à une déception affective ou à une séparation douloureuse. Explorons cela plus en détail.
Les racines psychanalytiques : un amour qui bascule
Sigmund Freud, pionnier de la psychanalyse, décrit l'amour et la haine comme des pulsions opposées mais intimement liées dès les premiers stades du développement. Chez le nourrisson, la haine émerge comme une réaction primitive à la perte de fusion avec la mère – un amour originel absolu qui, frustré par la différenciation et le manque, se mue en agressivité. Cette haine "primitive" n'est pas gratuite : elle protège le moi naissant contre l'intolérable vide du désir non comblé. Freud va plus loin en affirmant que "presque toute relation de sentiment intime laisse un sédiment de sentiment de rejet", soulignant que la haine est un résidu d'un attachement déçu.
Mélanie Klein et Joan Rivière, dans L’amour et la haine (2001), approfondissent cette ambivalence : la haine surgit souvent d'un amour possessif qui, contrarié (par une jalousie, un abandon ou une trahison), se renverse en hostilité destructrice. Par exemple, un partenaire tyrannique qui aime "trop" peut basculer dans des crises de rage quand l'autre s'éloigne, masquant une agressivité sous-jacente à son affection. Lacan, quant à lui, parle d'"hainamoration", un entrelacement paradoxal où la haine nourrit l'amour non réciproque, particulièrement chez la femme qui doit "liquider" son attachement maternel originel par une haine violente pour s'en dégager.
La frustration comme déclencheur : des attentes déçues
Au-delà de la psychanalyse, la haine émerge fréquemment d'attentes non formulées issues d'un amour idéal (romantique, filial ou amical) qui se heurte à la réalité. Imaginez une relation où l'on espère que l'autre comblera un vide existentiel – promesse implicite d'un bonheur mutuel, souvent héritée de l'éducation. Quand cette attente est trahie (par un écart, un oubli ou un rejet), la déception engendre de la colère, puis de la rancune, et enfin de la haine, accompagnée d'un désir de vengeance. Ces racines remontent souvent à l'enfance : une blessure de rejet ou d'abandon envers un parent (abus, violence, humiliation) internalise une haine refoulée, qui resurgit plus tard dans les relations adultes sous forme d'hostilité envers un "substitut" affectif.
| Étape de la frustration | Exemple | Évolution vers la haine |
|---|
| Attente amoureuse | Espoir d'un partenaire fidèle et soutenant. | Déception initiale (trahison perçue). |
| Colère/rancœur | Irritation accumulée face aux manquements. | Rancune : accumulation de griefs, rigidité envers l'autre. |
| Haine | Désir de nuire, joie des malheurs de l'autre. | Vengeance : inversion totale de l'amour en destruction. |
Nuances : pas toujours, mais souvent lié
Bien que cette origine soit prédominante, la haine n'est pas exclusivement un amour contrarié. Elle peut aussi provenir d'un narcissisme blessé (refus du moi face à une excitation externe intolérable) ou de pulsions de mort pures, indépendantes de l'objet aimé. Chez certains, elle est structurelle (liée au genre ou à la culture), comme une "haine de l'être" insupportable de l'autre. Pourtant, dans la majorité des cas relationnels, la proximité entre amour et haine est frappante : "Il y a de la haine dans l'amour et de l'amour dans la haine."
En somme, la haine est souvent le revers sombre d'un amour bloqué, un cri du moi face à la perte. Reconnaître ce lien peut aider à la transformer – par la thérapie, par exemple – en une agressivité créative plutôt que destructrice. Si cela résonne avec une expérience personnelle, consulter un psychologue est une étape libératrice.
Un cas d'espèce
J'en viens maintenant à ce qui m'a déclenché l'envie d'écrire cet article long mais passionnant. Tout est parti d'une publication follement empreinte d'amour, touchante, mais en même temps très affolante car on comprend vite ce qui a dû être dit précédemment :
Une publication sur Instagram le 13 novembre 2025 (crédit: gianca_photography)
Le message est diffusé en story avec une musique calme de suspense, comme pour apaiser. Il commence directement par "et rappelle toi :", ce qui laisse penser que son auteur vient de finir une conversation avec la personne à qui il adresse sa story.
Les mots sont forts. Les mots sont durs. Ils trahissent une violence derrière. "Ta vie est précieuse" (ce qui est vrai pour tout le monde), "Personne ne peut te remplacer" (ce qui est vrai pour tout le monde), "Je suis reconnaissant que tu sois né" (ce qui devrait être vrai pour tout le monde) viennent en effet contrebalancer des affirmations comme quoi la vie de ce garçon ne serait pas précieuse, qu'il pourrait être remplacé par quiconque et enfin que sa naissance était un accident.
Ce message a été proféré par un grand frère à son petit frère, qui venait probablement d'être enguirlandé au téléphone par leur père à cause de publications qui prouvaient qu'il faisait semblant de ne pas avoir de père. Je pense donc que ce père a balancé des insanités insupportables à un fils qui veut pourtant se débarrasser de lui.
Je ne suis pas dupe. Derrière cette colère haineuse, se cache en réalité un amour contrarié très fort. Ce père adore son fils et ne supporte pas l'idée d'être renié alors que ses sentiments pour son fils sont puissants. Il s'y prend de la mauvaise façon, comme moi avec mon ancien fils adoptif, mais il l'aime en fait.
Alors oui, ce père pense exactement :
- que son fils est précieux (d'où le fait qu'il ait dit l'inverse) ;
- que personne ne peut le remplacer (d'où le fait qu'il ait dit l'inverse) ;
- qu'il remercie Dieu qu'il soit né (d'où le fait qu'il ait dit l'inverse*) ;
- qu'il l'aime (d'où le fait qu'il ait dit l'inverse).
* Ici le grand frère a laïcisé le message ("reconnaissant") car il a publié quelques semaines plus tôt une story disant qu'il remettait en cause sa façon de voir l'église, les évangiles et tout ça, c'est un cheminement qui est encore en cours, donc il ne parle plus de Dieu, mais son père a probablement dû évoquer Dieu dans ses propos car les parents sont hyper croyants à mort.
En fait, le père pense exactement la même chose que son fils aîné, et au passage, que moi ou la mère. Son problème numéro un est de cacher qui il est vraiment, donc personne ne peut l'aimer de la façon dont il aimerait. Il aura toujours ce sentiment d'extraterrestre. Oui, ce garçon est très différent, comme moi d'ailleurs, mais comme beaucoup de fessophiles au fond. Nous sommes tous uniques dans ce milieu, avec pour beaucoup d'entre nous des passages difficiles.
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